Extrait d’un ouvrage à paraître Chapitre L’autonomie de l’inconscient
La créativité de l’inconscient
Tout imparfait et paradoxal qu’il soit, poison et remède à la fois, ce grand sage (l’inconscient, l’esprit des profondeurs) est le « pharmakon » décisif. Et l’administration de celui-ci nous rend plus complets, plus réels et mieux accordés à la Nature. Celle-ci n’est pas idéale, elle est, tout simplement ! Il nous permet donc de nous rapprocher de ce que nous sommes réellement et son influence va nous permettre de nous réinscrire dans une lignée animale, d’envisager que nous sommes issus d’une information initiale, que nous avons la même origine que les roches et les arbres, que nous ne sommes ni de purs esprits ni des modèles de perfection. Qu’il existe une correspondance entre notre microcosme et le macrocosme.
Un tel maître intérieur nous ausculte, nous voit et, en quelque sorte, il nous crée. Selon une capacité de création objective, qui n’est nullement limitée par des œillères ou des projets comme l’est notre conscience vagissante. Comme le Dieu de notre enfance, avec lequel il ne se confond pourtant pas, il voit tout. Non pas (seulement ) comme une conscience morale, mais parce qu’il contient tout , le tout de l’homme, le tout de la nature :
« C’est la forme la plus antique de l’activité de création, l’obscure poussée originelle qui, au plus intime des profondeurs, coule dans tous les recoins secrets et toutes les galeries sombres, suivant la loi fortuite de l’eau, et qui, en des endroits inattendus, sourd d’un sol meuble, d’une fissure minuscule, pour venir féconder la terre sèche. C’est le maître originel et secret de la nature».
La voie des images est bien la voie humide qui vient féconder notre psychisme, autant qu’elle anime notre corps, à condition bien sûr d’en emprunter tous les tours et détours. Une telle activité donne une autre perspective à l’analyse que la connaissance de soi, au sens habituel et naïf que l’on donne à cette expression. Celle-ci étant souvent biaisée par des présupposés théoriques ou des considérations subjectives. Cette perspective plus ambitieuse est d’abord réaliste, ou écologique. Il s’agit de se considérer comme une partie du monde, de sentir que notre nature propre est traversée par toutes les forces de ce monde, que nous ne pouvons-nous soustraire à aucune. Bien plus tard l’analyse pourra s’approfondir et certaines expériences pourront être méditées, comme des traces de l’union avec le « monde un », dans le courant d’une« rubedo »,d’une œuvre au rouge qui constitue la dernière phase du travail de l’individuation.
L’inconscient comme véhicule de l’esprit
Après les tunnels, la lumière ? Au sein du chaos l’ordre est-il déjà présent ? L’inconscient est-il spirituel ? C’est une question qu’on ne peut pas manquer de se poser face à certaines de ses manifestations. Encore faut-il repréciser ce qu’on entend par là. Il ne l’est pas (ou pas seulement) lorsque dans les rêves et les visions il semble rappeler ou prolonger les énoncés traditionnels. Et il faut faire la part des choses et considérer que les messages oniriques sont reçus et interprétés par un récepteur qui a une culture donnée. L’inconscient est spirituel dans la mesure ou notre esprit est suffisamment ouvert pour tolérer ou constater dans un silence étonné son autonomie et son pouvoir de transgression révolutionnaire. Nul ne sait d’où souffle l’esprit mais il souffle ! On ne peut pas ne -pas s’émerveiller parfois de la cohérence et de la créativité ou de l’opérativité quasi magique de certaines de ses productions.